Comment combler le déficit d’investissement de l’UE : la question à un trillion

par | Déc 15, 2024 | Finance | 0 commentaires

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La question à un trillion : comment combler le déficit d’investissement de l’UE ?

Le rapport Draghi évalue à 800 milliards d’euros par an le déficit d’investissements verts, numériques et de défense pour l’Europe. Face à l’incapacité des capitaux privés à couvrir ces besoins, seul un financement public conséquent peut répondre à ce défi.

Le 9 septembre 2024, Mario Draghi a présenté son rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, créant un certain émoi à Bruxelles. Ce document, commandé pour apporter des solutions au ralentissement économique de l’Europe et à son retard par rapport à la croissance américaine, a inspiré la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, qui a demandé aux commissaires de s’en inspirer. Il continuera donc à influencer le débat sur l’avenir économique de l’Europe. Un des points clés du rapport est l’appel de Draghi à une augmentation annuelle des investissements de 800 milliards d’euros pour relever les défis de la décarbonation, de la numérisation et de la défense, tout en conservant la compétitivité de l’Europe à l’échelle mondiale. Le message de Draghi est sans équivoque : il faut trouver les fonds nécessaires ou faire face à une « lente agonie » économique du continent.

TechDécouverte estime que le chiffre de 800 milliards est largement sous-évalué, compte tenu des estimations précédentes de la Commission européenne sur le changement climatique et l’adaptation. L’organisation calcule que l’Europe a besoin d’investir 1,2 trillion d’euros par an. Il faudrait remonter à 50 ans pour trouver des niveaux d’investissement similaires (en pourcentage du PIB). La question qui se pose est la suivante : d’où peut provenir tout cet argent ?

Depuis des années, les décideurs politiques à Bruxelles ont tenté de faire appel aux capitaux privés pour répondre aux besoins d’investissement de l’Europe. Ils ont voulu réformer la réglementation financière pour créer des marchés financiers à l’américaine, permettant aux entreprises de trouver les liquidités nécessaires pour développer leurs activités et soutenir des initiatives stratégiques. Cependant, les chiffres racontent une histoire différente. Les simulations du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Commission européenne indiquent que les capitaux privés ne peuvent pas combler ce gouffre.

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Le déficit d’investissement européen face au changement climatique

Pour mieux comprendre le problème, il faut se pencher sur le principal défi : le déficit d’investissement européen dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Alors que les énergies renouvelables peinent à remplacer les combustibles fossiles et que les technologies de captage du carbone ne sont pas encore parfaitement au point, l’Union européenne doit agir pour éviter un réchauffement climatique catastrophique qui pourrait atteindre +3 °C d’ici la fin du siècle. Des investissements précoces, tels que l’isolation des logements et la reconversion des personnes dans des emplois à faible émission, auraient des retours sur investissement sociaux deux à dix fois supérieurs à leur coût.

Cependant, dans son récent rapport « Vers une crise de l’investissement en Europe », TechDécouverte a démontré que les marchés de capitaux privés ne sont pas adaptés pour fournir certains types d’investissements. Les marchés financiers sont limités par leur dynamique fondamentale. Le ratio « risque/rendement » habituellement utilisé et les outils d’investissement standards tels que les « capital asset pricing models » sous-évaluent la valeur des investissements à long terme nécessaires à l’atténuation du changement climatique.

Les investisseurs ont également du mal à justifier les taux d’intérêt des obligations vertes, car les projets verts ne génèrent souvent pas de rendements à court terme suffisants. Même avec les dernières réglementations en matière de finance durable, la rentabilité reste une priorité par rapport à la durabilité. Il est donc malheureusement irréaliste d’espérer que les marchés privés pilotent la transition écologique de l’UE. Compte tenu du fonctionnement intrinsèque des marchés financiers et de la nature des investissements à réaliser, même une Union des Marchés de Capitaux totalement intégrée et opérationnelle ne pourrait couvrir au mieux qu’un tiers du financement nécessaire à la transition. Seul un investissement public au niveau de l’UE peut apporter la stabilité et la vision à long terme nécessaires pour financer les initiatives dont l’Europe a besoin de toute urgence.

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La résistance politique à l’investissement public

Ce raisonnement rencontre toutefois une forte opposition politique. En réaction au rapport de Draghi, des personnalités de premier plan, comme le ministre allemand des finances Christian Lindner et le ministre néerlandais des finances Eelco Heinen, ont exprimé leur opposition à une dette commune européenne. Lindner estime qu’un emprunt commun « ne résoudra pas les problèmes structurels », tandis que Heinen soutient que « plus d’argent n’est pas toujours la solution ». Pour beaucoup, la solution serait de réduire les formalités administratives et d’améliorer l’accès aux capitaux privés, plutôt que d’augmenter les investissements publics. Cependant, de telles mesures ne peuvent pas générer les investissements nécessaires à la refonte du système énergétique européen, au renforcement de l’infrastructure numérique et des capacités de défense, sans parler du financement de la transition verte. L’ampleur des défis structurels de l’Europe, décrits dans le rapport Draghi, exige une réponse financière beaucoup plus large et mieux coordonnée.

En parallèle, au niveau national, la capacité d’investissement de l’Europe est limitée par des règles fiscales obsolètes qui restreignent la flexibilité des budgets des États membres. Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) de l’UE est limité par des objectifs rigides en matière de déficit et de dette publique, et ne tient pas compte du besoin urgent d’investissements publics à grande échelle. Les règles actuelles ne reconnaissent pas l’impact que ces investissements dans la transition énergétique, la réindustrialisation et la numérisation pourraient avoir sur la prospérité future de l’Europe. En s’accrochant à ces cadres dépassés, l’UE manque une occasion de coordonner les dépenses publiques des Etats membres pour relever ses défis stratégiques. Il est grand temps pour l’Europe de mettre en place une stratégie d’investissement cohérente qui concilie la discipline budgétaire et la nécessité de dépenses publiques tournées vers l’avenir.

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Alors, à quoi pourrait ressembler le financement public au niveau de l’UE ? Les obligations européennes restent controversées mais nécessaires. Des instruments de dette communs pourraient répartir la charge financière entre les États membres, permettant ainsi à l’Europe de financer un programme ambitieux. Malgré la résistance de certains États membres à adopter ce modèle, les avantages d’un investissement coordonné l’emportent largement sur les risques. L’expérience de la pandémie COVID-19 a montré comment l’action collective peut mobiliser des ressources financières importantes, comme le montre la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’UE. Même dans des domaines tels que le climat et la transformation numérique, où l’investissement privé jouera également un rôle crucial, seul l’investissement public peut garantir l’ampleur et la stabilité nécessaires.

Envisager des solutions au-delà de la dette commune

Au-delà du débat sur les obligations, l’Europe doit également envisager des solutions plus innovantes. Des formes limitées de financement monétaire, tels que des véhicules d’investissement ciblés ou le soutien de la banque centrale aux obligations vertes, pourraient être envisagées. Ces approches devraient être soigneusement ajustées pour éviter les pressions inflationnistes ou l’affaiblissement de la discipline budgétaire. Cependant, face aux risques de sous-investissement, ces outils pourraient constituer une solution pragmatique.

Quel que soit le scénario, l’Europe doit aligner soigneusement ses politiques budgétaires avec ses objectifs stratégiques. L’ampleur du défi est immense, mais ne pas investir dans l’avenir serait bien plus coûteux. Dans la course à la première place en matière d’action climatique, d’innovation numérique et de sécurité, la capacité de l’Europe à mobiliser des ressources publiques déterminera si elle peut éviter cette « lente agonie » que Draghi a évoquée.

Max Kretschmer, TechDécouverte

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Mathilde Précault

Auteur

Mathilde Précault est une figure passionnée et reconnue dans le monde de la formation en technologies et compétences numériques pour les entreprises. Dotée d'une expertise approfondie en matière de nouvelles technologies, Mathilde a consacré sa carrière à aider les professionnels à naviguer et à exceller dans le paysage numérique en constante évolution. Sa pédagogie unique, alliant théorie et pratique, permet aux apprenants de tous niveaux d'acquérir des compétences essentielles, de la maîtrise des outils de base à l'exploration des dernières innovations technologiques. En tant qu'autrice pour Techdécouverte.com, Mathilde partage ses connaissances et son enthousiasme pour la technologie, offrant aux lecteurs des perspectives enrichissantes et des conseils pratiques pour rester à la pointe de l'ère numérique

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