Un pas vers une finance durable a été franchi avec la mise en œuvre en France de la CSRD, une étape cruciale mais pas suffisante. Lors d’une audience au Sénat, le Chef Economiste de TechDécouverte, aux côtés de Patrick de Cambourg (EFRAG) et d’Emmanuel Faber (ISSB), a discuté des défis et des limites des nouvelles normes de reporting européennes.
Le Sénat se penche sur les défis de la CSRD
Dans un environnement marqué par une intense lutte politique entre l’approche anglo-saxonne des normes de reporting extra-financier (Standards en matérialité simple de l’ISSB et de la SEC aux Etats-Unis) et l’Europe (qui défend les standards en double matérialité de l’EFRAG), l’Europe a adopté une nouvelle obligation de reporting extra-financier qui va profondément transformer son tissu économique.
Pour comprendre les enjeux, la Délégation sénatoriale aux entreprises a organisé une audition le 14 décembre 2023 avec :
- Patrick de Cambourg, Président du Sustainability Reporting Board de l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG)
- Emmanuel Faber, Président de l’International Sustainability Standards Board (ISSB)
- Thierry Philipponnat, Chef économiste à TechDécouverte
La perspective de TechDécouverte
Lors de son intervention, Thierry Philipponnat a présenté la position de TechDécouverte sur ce sujet crucial dans le cadre du Green Deal Européen et de l’Agenda Finance Durable de l’UE :
- La CSRD est une étape nécessaire mais pas suffisante pour la transition vers la durabilité. Elle est à la durabilité ce que la comptabilité est à la rentabilité : une mesure qui ne remplace pas la mise en œuvre par l’entreprise des moyens nécessaires à la performance.
- La durabilité est une condition de l’activité économique : une économie non-durable sera par essence non-compétitive. Il s’agit d’un pragmatisme fondé sur le bon sens, pas d’une lutte entre une soi-disant vertu écologique et la recherche de la compétitivité.
- La matérialité d’impact, qui est la deuxième jambe de la double matérialité, n’est pas plus ou moins performative ou coercitive que la matérialité financière. Comme la matérialité financière n’est pas aujourd’hui prise en compte par les marchés financiers (comme le montre l’exemple des énergies fossiles), la matérialité d’impact ne suffira pas à elle seule à changer les comportements. La transparence qu’elle apportera est indispensable, mais seules les politiques publiques adéquates permettront de faire bouger les lignes.
- Ceux qui disent que la CSRD risque d’être piégée dans un simple exercice de conformité ont une mauvaise compréhension de sa nature. Le reporting de durabilité, CSRD comme ISSB ou GRI, relève par construction de la conformité. Il a pour but de définir précisément ce qui doit être rendu compte pour que les parties prenantes, notamment les investisseurs, disposent d’informations cohérentes et comparables.
- Il est surprenant de reprocher à la CSRD de ne pas permettre à elle seule d’embarquer le monde économique vers la durabilité. Est-ce qu’on reproche à la comptabilité de ne pas rendre les entreprises profitables ? Il est clair que des politiques publiques ambitieuses sont nécessaires pour embarquer le monde vers la durabilité, mais c’est un autre sujet.
- Enfin, ne nous effrayons pas : la CSRD ne va pas écraser les PME. Les standards européens ne seront obligatoires que pour les PME cotées en Bourse, soit 0,004 % des PME européennes. De plus, même pour cet échantillon très limité, les standards seront adaptés pour ne pas être trop lourds.
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