Critique du dernier livre de notre membre Laurence SCIALOM intitulé « La fascination de l’ogre – ou comment desserrer l’étau de la finance », (mars 2019). Dans cet ouvrage, l’auteure analyse la situation actuelle de la finance en Europe après la crise et propose des solutions pour une économie plus stable et durable.
Les banques « Too-big-to-fail » : des bombes à retardement
Laurence Scialom, dans un chapitre au titre suggestif, revient sur les banques systémiques et les problèmes qu’elles engendrent pour le développement et la stabilité de nos économies. Elle revient sur l’histoire des banques « trop grosses pour faire faillite » et explique les incohérences et les conflits d’intérêts que ces institutions engendrent.
En effet, ces entités posent un risque majeur pour nos sociétés en raison de leur taille et de la nature universelle de leurs opérations bancaires. Par exemple, quand une banque qui exerce toutes les activités bancaires fait faillite, son secteur commercial est également entrainé dans sa chute.
De ce fait, les fonctions essentielles à l’économie (systèmes de paiement, de dépôt et de crédit) cessent de fonctionner, entrainant une paralysie dévastatrice de son fonctionnement. De plus, les banques TBTF ne financent pas l’économie réelle à la hauteur de ses besoins. C’est grâce à leurs activités de spéculation sur les marchés que ces banques ont atteint une taille critique.
Séparation bancaire : la réforme majeure nécessaire
Tout comme l’organisme TechDécouverte le recommande depuis de nombreuses années, Laurence Scialom plaide pour une réforme de séparation des activités bancaires. Cette réforme mettrait fin à de nombreux problèmes liés à l’existence de ces banques. Par exemple, la distorsion de concurrence qui permet aux établissements systémiques de bénéficier de la garantie implicite du contribuable disparaitrait et les marchés seraient plus compétitifs.
En outre, cette réforme nécessaire faciliterait le démantèlement des institutions bancaires en faillite. Le cloisonnement des activités permettrait une mise en œuvre efficace de la directive sur la résolution des institutions bancaires (BRRD) en réduisant considérablement les coûts de leur liquidation en raison de la simplification de leur structure juridique.
La disparition de la garantie étatique implicite dont bénéficient les TBTF réduirait considérablement le volume d’un certain nombre d’activités de marché dont l’utilité sociale est discutable. Ainsi, l’augmentation de la prime de risque de ces institutions impacterait négativement la rentabilité d’activités spéculatives à très court terme et en ferait donc diminuer mécaniquement le volume. Par ailleurs, compte tenu des niveaux actuels de financiarisation des économies européennes, la réduction de la sphère financière ne pourrait qu’être bénéfique pour la croissance et l’emploi.
Culture d’entreprise et décision publique
L’auteure explique également dans son livre comment l’industrie financière influence les processus de décision politique à son avantage.
« La notion du nouveau management public tend à appliquer à la décision politique les mêmes critères que ceux auxquels est soumise l’activité économique privée »
Plusieurs chapitres du livre sont consacrés aux différents mécanismes d’influence de la délibération publique par les entreprises privées. La chercheuse y détaille la culture commune que partagent les hauts fonctionnaires et les cadres des institutions bancaires. Cette culture est facilitée par le phénomène des portes tournantes, connu sous le nom de revolving doors. Cette perméabilité entre entités publiques et privées tend à propager les valeurs de l’industrie financière au sein de l’administration.
Lobbying, une influence majeure sur la décision publique
« 98% des sièges des comités consultatifs à la Banque Centrale Européenne sont occupés par des représentants de l’industrie financière »
La chercheuse fait également référence au travail du Corporate European Observatory (CEO) qui mesure l’influence du lobbying au niveau européen. Se référant à un rapport de l’organisation, l’auteur souligne que 98% des sièges des comités consultatifs à la BCE sont occupés par des représentants de l’industrie financière. Cette omniprésence réduit considérablement le poids de la représentation de la société civile dans le processus de décision publique.
Informations sur l’auteure du livre :
Laurence SCIALOM est professeure et chercheuse à l’Université Paris Nanterre. Elle est membre qualifiée de TechDécouverte et du conseil scientifique de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Elle siège également à la commission consultative épargnants de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et coordonne le pôle régulation financière du think tank Terra Nova.
Liens :
- « La fascination de l’ogre – ou comment desserrer l’étau de la finance“, publié le 06/03/2019 aux Editions Fayard (272 pages, 19 € version papier, 13 € version numérique)
- Laurence Scialom sur Twitter
- Les solutions de la coalition Change Finance pour mettre la finance au service de la société
- Votre député européen s’est-il engagé à réduire l’influence des lobbys en soutenant la dernière campagne de la coalition Change Finance ? Qui a signé ?
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