Le manifeste pour une économie européenne verte, équitable et démocratique a été signé par 154 groupes de la société civile, syndicats, associations professionnelles et think tanks, ainsi que par 120 universitaires internationaux, suite à une initiative de la coalition #fiscalmatters. Ceci s’est produit avant l’éclatement de la guerre en Ukraine. Les conséquences humanitaires, sociales, économiques et énergétiques de cette guerre mettent en évidence l’urgence de réviser le cadre budgétaire européen face aux défis auxquels l’Europe est confrontée.
Note : Ce manifeste a été initialement publié sur le blog Alter&Co d’Alternatives Economiques.
Nous représentons des organisations de la société civile, des syndicats et des think tanks de l’Union européenne, et nous bénéficions du soutien d’universitaires.
Nous sommes unis dans notre appel à une réforme radicale des règles budgétaires de l’Union européenne.
Le but de la politique économique en Europe ne devrait pas être une simple réduction de la dette publique. L’économie doit servir à réduire les inégalités socio-économiques, intergénérationnelles et de genre, à réaliser les droits sociaux et à protéger le climat et l’environnement. Le cadre budgétaire européen doit soutenir pleinement les transitions justes et la transformation systémique de nos économies et de nos sociétés, afin de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5°C.
Le traité de Maastricht, qui a été signé en 1992, et les changements législatifs qui ont suivi la crise financière mondiale de 2007/08, ont instauré des limites budgétaires strictes qui plafonnent la dette et les déficits publics des États membres. Une coordination des politiques budgétaires est nécessaire dans une union monétaire. Cependant, cette règle ne répond pas aux nouveaux défis auxquels l’Europe est confrontée.
Premièrement, elle contraint constamment les dépenses publiques, ce qui a pour effet de freiner l’emploi et l’investissement. Dans de nombreux pays, le taux de chômage, en particulier celui des jeunes, atteint des niveaux inacceptables.
Deuxièmement, elle ne garantit pas notre capacité à nous adapter au changement climatique et à le limiter grâce à une transition juste. La Commission européenne a récemment évalué le déficit annuel d’investissements verts à 520 milliards d’euros. Pour combler ce déficit, un financement public substantiel sera nécessaire. L’imposition de limites arbitraires sur la dette et le déficit public des États membres rend cet objectif inatteignable.
Un retour aux règles budgétaires qui ont été suspendues pendant la crise de Covid-19 entraînerait des réductions drastiques des dépenses publiques dans une majorité d’États membres.
Un retour à l’austérité mettrait en danger la reprise après la pandémie de Covid-19, et annihilera les progrès réalisés grâce au Fonds de relance et de résilience. Elle creuserait les inégalités sociales et éroderait la confiance des citoyens dans l’UE. Et elle laisserait de nombreuses personnes et gouvernements sans ressources suffisantes pour s’engager dans la transition verte et juste, affectant la cohésion et la convergence entre les États membres.
Nous demandons donc une réforme profonde du cadre de gouvernance économique de l’UE, afin de garantir que les règles budgétaires réformées soient cohérentes avec les objectifs sociaux, climatiques et environnementaux de l’Union européenne. La qualité des dépenses est essentielle : l’argent des citoyens doit être bien dépensé et servir des objectifs définis démocratiquement
Nous appelons à une transformation socio-économique de notre modèle économique, à un changement de paradigme, en mettant l’accent sur la nécessité d’augmenter considérablement les investissements publics ainsi que sur une forte dimension sociale de la gouvernance économique, soutenue par le pilier européen des droits sociaux.
Nous demandons également une nouvelle approche pour garantir la soutenabilité de la dette des États membres. Les réformes doivent tenir compte des contextes nationaux, de la nécessité d’éviter une austérité contreproductive, de la convergence des économies européennes et de l’accumulation des risques budgétaires.
Les risques budgétaires liés au climat – c’est-à-dire l’impact qu’un sous-investissement dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique aurait sur les budgets publics – doivent faire partie des analyses de soutenabilité de la dette qui sont propres à chaque pays.
Des mesures réglementaires et administratives, la fiscalité ainsi que des financements supplémentaires ont également un rôle à jouer pour déclencher et orienter les investissements privés.
Plus que jamais, les gouvernements ont la responsabilité de diriger nos pays vers une transition verte socialement juste. L’Union européenne ne peut pas se permettre de prendre une autre voie.
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