Risques globaux en finance: Pourquoi ils ne sont pas la somme des risques individuels?

par | Juin 2, 2024 | Finance | 0 commentaires

Pourquoi les risques globaux en finance ne sont pas la somme des risques individuels ?

Les réactions des personnes face à des risques anticipés n’augmentent pas ces risques lorsque ceux-ci sont exogènes. Alors que ce constat est vrai en météorologie, il en va autrement en finance. En effet, l’effort collectif pour se prémunir contre des risques anticipés en finance a tendance à multiplier les risques au niveau global. Qu’en est-il vraiment ?

N.B : Cet article est une contribution extérieure basée sur une chronique de l’auteur sur France Culture. Les points de vue exprimés sont ceux de l’auteur et ne correspondent pas forcément à ceux de TechDécouverte.

Caricature de presse – Source: The Economist

Lorsque les prévisions météorologiques annoncent de fortes pluies et que tout le monde se prépare en conséquence en prenant un parapluie, l’épisode pluvieux ne s’aggrave pas à cause de l’action de se protéger contre la pluie. Autrement dit, la météo n’est pas influencée par les prévisions ni par les actions individuelles prises en réponse à ces prévisions. Il ne pleut pas parce que tout le monde a décidé de sortir avec un parapluie ou un imperméable. Le risque global de pluie est déterminé par des facteurs externes et est indépendant de la réaction des individus face à ce risque. On dit de ce risque qu’il est exogène.

En revanche, la situation est très différente en finance. Si tout le monde tente de se protéger contre des risques anticipés, cela équivaut à tout le monde sortant avec un parapluie ou un imperméable parce que les prévisions annoncent de la pluie. Mais en finance, ce n’est pas simplement la pluie qui tombe, c’est un véritable déluge. En finance, ce sont les comportements individuels destinés à se protéger contre les risques annoncés qui les intensifient. Autrement dit, pendant une période de stress financier, le risque n’est plus exogène, il devient endogène, c’est-à-dire qu’il est créé et amplifié par les actions, réactions et interactions des acteurs financiers.

Cela illustre ce que l’on appelle le paradoxe de liquidité : la liquidité n’existe que tant qu’elle n’est pas mise à l’épreuve. Si tout le monde veut vendre ses actions en même temps pour récupérer de la liquidité ou pour acheter des actions plus sûres, alors la liquidité disparaît. On dit que le marché est unidirectionnel car tout le monde veut vendre, personne ne veut acheter, il n’y a plus de contreparties sur le marché et les prix s’effondrent.

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Cette caractéristique est cruciale pour concevoir et structurer les politiques macroprudentielles, c’est-à-dire les politiques publiques qui visent à garantir la stabilité financière globale et à prévenir les crises financières. Le problème est que le régulateur a autorisé les banques à utiliser leurs propres modèles de gestion des risques pour déterminer leur capital règlementaire, c’est-à-dire la partie du bilan qui est utilisée pour absorber les pertes imprévues. Or, les modèles de risque des banques sont basés sur la logique des modèles météorologiques, c’est-à-dire qu’ils considèrent que les risques ne résultent pas des actions collectives des banques et sont donc exogènes. Par conséquent, les actions prises par chaque banque pour se protéger, ou pour se couvrir contre les risques, qui sont dictées par leurs modèles de gestion des risques, uniformisent leurs réactions et de ce fait mettent en péril la stabilité du système dans son ensemble. Le paradoxe est que les réponses qui semblent optimales à l’échelle individuelle face à l’augmentation des risques ne font qu’aggraver et rendre plus coûteuses les crises financières à l’échelle collective. La conclusion est alors évidente : si l’objectif est la stabilité financière globale, il est erroné de baser la régulation financière sur les meilleures pratiques de gestion du risque à l’échelle individuelle. Les autorités publiques doivent protéger les banques et plus généralement le secteur financier de lui-même, et cela implique des politiques publiques qui ne doivent pas être calibrées sur les mêmes données et n’utiliser pas les mêmes modèles que les acteurs financiers eux-mêmes.

Laurence Scialom

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Mathilde Précault

Auteur

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